Ça vous est déjà arrivé de vous retrouver au milieu d’un carrefour alors que vous traversiez la rue ? Vous pensiez être bien dans l’axe, mais une fois engagés, difficile de garder la bonne trajectoire. Surtout quand la traversée est longue, en biais ou bruyante. Sans repère clair, il est facile de dévier, de s’arrêter trop tôt ou de se retrouver sur le mauvais îlot refuge.
Pour les personnes aveugles ou malvoyantes, cette situation n’a rien d’exceptionnel. C’est même l’un des points les plus sensibles de la chaîne du déplacement. C’est pour répondre à cette difficulté qu’a été imaginé le tapis tactile traversant, un dispositif encore récent, conçu pour maintenir une trajectoire droite et sécurisée pendant la traversée.
Qu’est-ce qu’un tapis tactile traversant ?
Le tapis tactile traversant est un revêtement de sol podotactile, c’est-à-dire détectable au pied et à la canne blanche, installé directement sur la chaussée au niveau d’un passage piéton.
Il se distingue des bandes podotactiles classiques (bandes d’éveil de vigilance, de guidage ou d’interception) par sa fonction :il accompagne le piéton pendant la traversée elle-même.
Une première phase d’expérimentation a eu lieu à partir de 2017, sur plusieurs sites parisiens à fort trafic piéton en partenariat avec le CEREMA.
L’objectif était simple : permettre à toute personne déficiente visuelle de garder une trajectoire stable et alignée entre les deux trottoirs, sans avoir à corriger en permanence sa direction.
Le tapis tactile traversant répond donc à l’arrêté du 15 janvier 2007 concernant l’accessibilité de la voirie, qui stipule : « Un contraste tactile appliqué sur la chaussée ou le marquage, ou tout autre dispositif assurant la même efficacité, permet de se situer sur les passages pour piétons ou d’en détecter les limites. »
Comment ça fonctionne ?
Le tapis tactile traversant est constitué de modules posés sur la chaussée, entre les deux bandes d’éveil de vigilance.
Ces modules présentent un relief en plots carrés disposés en quinconce, perceptible sous le pied comme à la canne. Ce motif tactile a été spécialement étudié pour rester confortable à la marche tout en étant suffisamment distinctif pour servir de repère.
Quand on l’a trouvé, le tapis crée un repère tactile continu. Il permet de maintenir son axe de marche tout au long de la traversée.
Dans quels cas en installer ?
Le tapis tactile traversant est particulièrement recommandé dans les situations suivantes :
- Traversées longues (plus de 8 mètres) ;
- Traversées en biais ou obliques ;
- Traversées multi-voies ou comportant un îlot central ;
- Traversées à fort trafic automobile ;
- Passages dont l’axe n’est pas intuitif depuis le trottoir de départ.
En somme, il s’agit d’un dispositif de sécurisation et de confort d’usage pour des traversées où la bande d’éveil de vigilance ne suffit pas à elle seule à garantir une trajectoire rectiligne.
Comment le reconnaître ?
Le relief du tapis tactile traversant, avec ses plots carrés en quinconce, ressemble étrangement à une bande d’éveil de vigilance — et c’est là toute la difficulté. Sous le pied, la différence est subtile, surtout pour une personne non voyante.
C’est pourquoi il est essentiel de comprendre le contexte d’installation :
- La bande d’éveil de vigilance (plots ronds) se situe avant la chaussée pour signaler le danger. Elle est parallèle aux bandes blanches du passage piéton.
- Le tapis tactile traversant (plots carrés) se trouve sur la chaussée et guide pendant la traversée. Il est perpendiculaire aux bandes blanches du passage piéton.
- En amont, une bande d’interception (formée de lignes parallèles) peut aider à se positionner dans la bonne direction avant de s’engager.
En résumé, dans la configuration idéale, on trouve successivement : bande d’interception puis bande d’éveil de vigilance puis tapis tactile traversant puis bande d’éveil de vigilance d’arrivée.
Des dispositifs complémentaires indispensables
Le tapis tactile traversant ne se suffit pas à lui-même. Pour qu’une traversée soit vraiment accessible, plusieurs dispositifs doivent se combiner :
- Feux sonores : lorsqu’ils existent, ils indiquent le bon moment pour traverser et assurent un repérage précis de la traversée.
- Balises sonores : très utiles sur les traversées sans feux, elles peuvent annoncer le nom de la rue ou la direction du passage.
- Bandes d’interception : elles orientent le piéton dans la bonne direction avant de s’engager sur la chaussée.
Cette complémentarité entre signalétique tactile et sonore garantit une chaîne d’information continue, essentielle à la sécurité et à l’autonomie des piétons déficients visuels.
Où trouve-t-on des tapis tactiles traversants aujourd’hui ?
En France, les premiers sites expérimentaux ont été installés par la Ville de Paris, notamment :
- Place de la Bastille,
- Boulevard de Sébastopol,
- Avenue de France.
À Lyon, le dispositif a été testé quartier de la Guillotière, sur des traversées à forte circulation.
D’autres villes se sont montrées intéressées, parmi lesquelles Grenoble, Nantes et Bordeaux, en lien avec le CEREMA.
À l’étranger, des systèmes comparables existent :
- Au Japon, notamment à Tokyo, où des « guiding tactile crossings » sont installés sur les grands axes.
- En Corée du Sud, à Séoul, où un revêtement similaire équipe certains carrefours complexes.
- Au Royaume-Uni, Londres teste depuis peu des « tactile crossing routes » pour améliorer la sécurité des piétons non-voyants.
Perspectives et recommandations
Le tapis tactile traversant fait aujourd’hui l’objet d’une procédure d’homologation nationale supervisée par le CEREMA et la Délégation ministérielle à l’accessibilité.
Il doit répondre à plusieurs critères d’installation précis afin d’être à la fois efficace pour les personnes déficientes visuelles et confortable pour l’ensemble des usagers. Sa largeur est fixe : 60 cm, une dimension suffisante pour être détectée au pied ou à la canne blanche tout en permettant de marcher dessus sans difficulté. Il doit être parfaitement aligné dans l’axe de la traversée pour assurer la continuité de la trajectoire entre les deux trottoirs.
Contrairement à d’autres dispositifs podotactiles, le tapis tactile traversant n’a pas vocation à être contrasté visuellement : son repérage repose uniquement sur le toucher. Les modules existent en deux coloris, noir et blanc, afin de respecter l’alternance des bandes du passage piéton sans rompre l’unité visuelle.
Le matériau utilisé doit être antidérapant, résistant au trafic, aux intempéries et aux opérations de nettoyage. Son relief, constitué de plots carrés disposés en quinconce, a été conçu pour ne pas gêner les autres usagers — cyclistes, utilisateurs de poussettes ou de fauteuils roulants — et ne pas générer de nuisances sonores pour les riverains. Enfin, le tapis tactile traversant doit toujours être associé à une bande d’interception et à une bande d’éveil de vigilance, afin d’offrir une chaîne d’information tactile cohérente et sécurisée avant, pendant et après la traversée.
Le CEREMA insiste sur la nécessité d’une concertation avec les usagers déficients visuels avant tout déploiement. Les retours d’expérience recueillis sur les sites pilotes seront déterminants pour valider son usage à grande échelle.
En conclusion, le tapis tactile traversant constitue une avancée majeure pour la sécurité et l’autonomie des piétons déficients visuels. Il comble un vide entre la bande d’éveil de vigilance et le trottoir d’arrivée, en offrant un repère tactile continu. En cours d’homologation, il devrait être normalisé prochainement.
En associant repères tactiles, sonores et visuels, les traversées de nos villes deviendront peu à peu plus sûres, plus intuitives et, surtout, plus confortables pour tous.
En avez-vous déjà rencontrés dans vos déplacements ? Dîtes-nous où et ce que vous en avez pensé en commentaire !
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