Cela ne vous aura pas échappé, depuis quelques années, nos villes se transforment. Peu à peu, la voiture cède du terrain au profit des mobilités douces. Avec ces évolutions, les repères changent aussi : les frontières entre trottoir et chaussée s’effacent, les carrefours à feux et leurs signaux sonores associés disparaissent progressivement. Dans ce contexte, les repères tactiles au sol deviennent plus indispensables que jamais.
Après la bande d’éveil de vigilance et la bande de guidage, une nouvelle venue vient compléter la famille des dispositifs podotactiles : la bande d’interception. Et elle a désormais sa propre norme AFNOR : la NF P98-353.
À quoi ressemble-t-elle ? Quelle est son utilité ? Comment doit-elle être installée pour vraiment remplir son rôle ? C’est ce que je vous propose de découvrir dans cet article.
A quoi sert une bande d’interception ?
Une bande d’interception est une bande podotactile installée au sol, composée de nervures en relief que l’on sent sous les pieds ou à la canne. Même si son aspect évoque la bande de guidage, elle s’en différencie par ses dimensions : plus large et nettement plus courte. Sa fonction est très claire : interrompre le cheminement d’une personne et l’amener vers un point d’intérêt précis.
Concrètement, elle « attrape » le piéton et le guide vers une traversée piétonne, l’entrée d’un bâtiment, un arrêt de bus ou de tram, ou encore un quai de transport .
C’est donc un repère à la fois tactile et visuel (grâce à son contraste avec le sol environnant), qui complète les autres dispositifs podotactiles existants que sont la bande d’éveil de vigilance, la bande de guidage et le tapis tactile traversant.
Eveil de vigilance, guidage, interception, comment utiliser les différentes bandes podotactiles ?
Voici un petit rappel pour ne pas les confondre :
- La bande d’éveil de vigilance (BEV) : composée de plots ronds bombés, elle alerte d’un danger immédiat (rebord de quai, haut d’escalier, traversée de rue). Norme NF P98-351.
- La bande de guidage : composée de lignes parallèles, elle marque un cheminement continu et aide à s’orienter dans un grand espace (parvis, hall de gare…). Norme NF P98-352.
- La bande d’interception : elle n’alerte pas d’un danger, elle ne guide pas en continu, mais elle « intercepte » pour amener vers un point précis. Norme NF P98-353.
- Le tapis tactile traversant : il matérialise l’axe du passage piéton pour conserver une bonne orientation tout au long d’une traversée de chaussée. Il n’est pas encore normalisé.
Chaque dispositif a son rôle et aucun ne remplace l’autre .
Dans quels cas utiliser une bande d’interception ?
Les bandes d’interception sont particulièrement utiles dans des situations où il est difficile de repérer naturellement un point d’intérêt essentiel dans la chaîne du déplacement. Par exemple :
- Devant une traversée piétonne sans feu, surtout si le trottoir est très large,
- Quand une traversée n’est pas alignée avec le cheminement naturel,
- Pour signaler une entrée d’établissement recevant du public,
- Au niveau d’un arrêt de bus, de tram ou de métro,
- Au niveau de la borne d’appel sur un quai de transport en commun, etc.
Mais attention, comme toutes les bonnes choses, la bande d’interception doit être utilisée avec parcimonie. En mettre partout serait contreproductif. C’est un peu comme si on mettait un panneau stop tous les dix mètres : à force, on ne saurait plus quand il est vraiment nécessaire de s’arrêter.
Dimensions et caractéristiques
La bande d’interception est constituée de 8 nervures parallèles en relief. Celles-ci peuvent être reliées entre elles par une semelle ou directement intégrées au sol. Vous remarquerez qu’elle ressemble à la bande de guidage mais elle est deux fois plus large.
Les dimensions de la bande d’interception changent selon l’endroit où elle est posée. Sa largeur est toujours autour de 60 cm, mais la hauteur des nervures est plus faible (3,5 mm) dans les petits ERP et plus marquée (5 mm) dans les grands ERP et en extérieur. Les exigences en matière de résistance au feu varient elles aussi selon l’usage intérieur ou extérieur.
Pour plus de détails, il est nécessaire de se reporter à la norme NF P98-353.
Comment ça marche ?
La bande d’interception est toujours posée perpendiculairement au sens de marche. En avançant, la canne ou le pied bute dessus. Ce relief attire l’attention : « Stop, il y a quelque chose ici ! » Le contraste visuel entre la bande et son support joue aussi le rôle d’alerte, notamment pour les personnes malvoyantes. En suivant les nervures, on est naturellement conduit vers le point d’intérêt.
Avec les BEV, les bandes de guidage, les feux et balises sonores, la signalétique contrastée et les applications de guidage comme Evelity, la bande d’interception vient enrichir la « boîte à outils » pour rendre nos villes accessibles.
Elle n’est pas obligatoire partout, mais elle répond à un vrai besoin exprimé par les usagers déficients visuels : celui de trouver facilement les points d’intérêt sans dépendre de l’aide d’autrui.
Quels sont les documents de référence sur la bande d’interception ?
Deux documents encadrent désormais l’usage des bandes d’interception :
- La norme NF P98-353 (août 2025), publiée par l’AFNOR, qui fixe les caractéristiques techniques : largeur de la bande, longueur des modules, hauteur des nervures, exigences de contraste visuel, résistance à la glissance, réaction au feu en ERP, etc. Bref, tout ce qu’il faut pour garantir leur sécurité et leur efficacité .
- La fiche technique n°12 du CEREMA dans la collection « Les cheminements des personnes aveugles et malvoyantes », qui vulgarise cette norme pour les collectivités. Elle explique les cas d’usages, les bonnes pratiques d’implantation et les points de vigilance. C’est un document précieux pour les techniciens mais aussi pour les associations d’usagers qui veulent suivre les projets locaux .
En résumé, la bande d’interception est un dispositif encore jeune mais désormais encadré par une norme claire. Son rôle est simple et précieux : nous aider à retrouver des repères là où l’urbanisme laisse un vide. Pour que ces dispositifs soient réellement efficaces, il faudra que les collectivités s’en saisissent et que nous, usagers, continuions à faire entendre notre voix. Car comme souvent en accessibilité, ce sont nos retours d’expérience qui font avancer les pratiques.
Et vous, avez-vous déjà rencontré des bandes d’interception dans votre ville ? Les avez-vous trouvées utiles ? Partagez vos impressions en commentaire, ça aidera sûrement d’autres lecteurs
2 Comments
à Strasbourg l’Eurométropole n’a pas attendu la normalisation pour déployer la bande d’interception, cela fait près de 15 ans que les premières ont été posées, à l’heure actuelle elles complète avantageusement le dispositif que l’on trouve en voirie, c’est tellement important, cela permet une déambulation beaucoup plus fluide même si elle ne répond pas à la récente norme elle fait le job. mais le dispositif devrait être obligatoire, car sans quoi beaucoup de municipalités ne l’installeront jamais ! http://www.ccite.fr
Merci beaucoup pour votre retour d’expérience sur Strasbourg ! C’est précieux d’avoir ce genre de témoignage concret, qui montre que certaines collectivités ont pris de l’avance et compris très tôt l’importance de la bande d’interception pour fluidifier nos déplacements.
Vous soulignez un point essentiel : même si ces dispositifs existent depuis longtemps, leur déploiement reste trop dépendant de la bonne volonté locale. La récente normalisation apporte enfin un cadre technique, mais il reste à franchir l’étape réglementaire pour rendre leur usage obligatoire, comme c’est déjà le cas pour les bandes d’éveil de vigilance. C’est cette évolution qui permettra d’assurer une homogénéité sur tout le territoire et d’éviter que certaines villes restent à la traîne.
J’espère que votre témoignage inspirera d’autres communes !