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Accessibilité de l’hôpital : comment améliorer l’accueil des personnes aveugles ou malvoyantes ?

Soyons honnêtes, l’hôpital n’est pas un lieu qu’on fréquente avec plaisir, que ce soit pour des soins ou une simple visite. Et quand on est aveugle ou malvoyant, s’y rendre seul peut vite devenir une véritable épreuve : difficile de se repérer, signalétique peu adaptée, informations inaccessibles, personnel parfois démuni… Et pourtant, des solutions existent ! Des aménagements concrets qui peuvent faire une vraie différence pour renforcer notre autonomie et rendre l’expérience de l’hôpital un peu plus sereine. Encore faut-il que ces solutions soient connues et prises en compte par les responsables d’établissement, notamment lors de travaux ou de réorganisations.

Si vous avez envie de vous impliquer dans l’accessibilité de l’hôpital près de chez vous, ou dans un établissement que vous fréquentez, cet article vous sera utile. J’y reprend les éléments essentiels pour imaginer un parcours de santé réellement accessible aux personnes déficientes visuelles.

Des accès extérieurs lisibles et praticables

Tout commence dès l’extérieur : repérer l’entrée, suivre un chemin sans obstacles, éviter de tourner en rond autour d’un bâtiment sans jamais trouver la bonne porte… ça vous parle ?

Quand on a un handicap visuel, les transports en commun représentent le moyen le plus naturel de se déplacer. Il est également possible d’utiliser des services de transport adaptés ou taxis, médicalisés ou non. Un soin tout particulier doit donc être apporté à l’accessibilité des cheminements menant depuis les arrêts de transports en commun et les lieux de dépose jusqu’au bâtiment d’accueil.

Si des travaux sont prévus, c’est l’occasion idéale de mettre en place des cheminements accessibles à tous, avec une largeur d’au moins 1,40 m, un revêtement non meuble, non glissant, et un bon contraste visuel et tactile vis-à-vis de l’environnement. Ces cheminements accessibles permettent de répondre aussi bien aux besoins des personnes ayant un handicap moteur que de celles ayant un handicap visuel. Et dans les cas où des véhicules croisent le passage des piétons, le marquage au sol et les bandes d’éveil de vigilance sont indispensables pour signaler le danger. Si des feux de signalisation sont présents, ils doivent être équipés de répétiteurs sonores, activables avec la télécommande habituelle des feux piétons.

Sur un revêtement existant, si des gros travaux de réaménagement ne sont pas prévus, l’installation de bandes de guidage est une bonne alternative. Ces bandes doivent être conformes à la norme NF P98-352 et respecter une largeur suffisante pour être bien détectées.

Une signalétique multisensorielle pour repérer les accès

Un bon guidage, c’est une chose. Mais encore faut-il savoir où l’on va. De même qu’on ne conçoit pas de routes sans panneaux d’indication, les cheminements accessibles et les bandes de guidage ne se suffisent pas à eux-mêmes. Ils doivent être assortis d’une signalétique accessible à tous pour transmettre les informations d’orientation.

En ce qui concerne la signalétique visuelle, celle-ci doit à la fois être visible, lisible et compréhensible. Par cette expression, on entends : des couleurs contrastées, entre les caractères et le fond, mais aussi entre la plaque et son support, une taille de caractères adaptée à la distance de lecture, et enfin des symboles et pictogrammes pour les personnes qui ne maîtrisent pas bien la langue française.

Mais pour être accessible à tous, la signalétique visuelle doit être doublée d’une signalétique sonore. La présence de balises sonores est essentielle : elles doivent être installées au minimum à l’entrée du site, à l’entrée principale du bâtiment d’accueil, et, dans le cas d’un hôpital pavillonnaire, à l’entrée de chaque bâtiment. Activables à la demande, elles permettent d’identifier un lieu et de s’orienter vers un point de service sans avoir besoin d’assistance.

Le bureau des admissions, un point de passage stratégique

L’hôpital, c’est aussi une grosse machine administrative. On y entre pas sans passer par le bureau des admissions. Celui-ci doit donc concentrer toute l’attention des aménageurs. Ce point d’accueil doit être clairement identifiable, bien éclairé et visuellement contrasté. Idéalement, une bande de guidage devrait relier l’entrée principale du bâtiment au guichet d’accueil, en particulier si celui-ci n’est pas situé directement face à la porte.

Dans de nombreux hôpitaux, la gestion de la file d’attente repose sur un système de tickets avec numéros qui défilent sur un écran. Ces systèmes représentent malheureusement un obstacle majeur pour les personnes déficientes visuelles : impossible de savoir où retirer le ticket, impossible de lire le ticket, impossible de lire l’affichage où défilent les numéros, et enfin, impossible de savoir à quel guichet se rendre. il est impératif que l’affichage des numéros soit sonorisé. Et même dans ce cas, l’aide humaine reste indispensable. Le personnel d’accueil doit être formé pour repérer une personne en difficulté et proposer un accompagnement discret mais efficace.

La formation du personnel à l’accueil de personnes handicapées

L’accessibilité, ce n’est pas qu’une question de mobilier ou de signalétique. C’est aussi une affaire d’attitude et de comportement. Même avec le meilleur aménagement, il y aura toujours des situations où l’intervention du personnel sera nécessaire. D’où l’importance de la formation à l’accueil de personnes ayant un handicap.

Se signaler oralement, proposer son coude pour guider, adapter ses explications, faire preuve de patience : ce sont des gestes simples mais fondamentaux. Depuis 2015, la formation du personnel en contact avec le public à l’accueil des personnes en situation de handicap est obligatoire. Et pour qu’elle soit vraiment utile, mieux vaut privilégier les formations coanimées par des personnes concernées, qui savent de quoi elles parlent et peuvent partager leur vécu, plutôt qu’un diaporama impersonnel avec des conseils généralistes déconnectés du contexte. N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez avoir les coordonnées d’organismes de formation sérieux dans le domaine.

Le guidage numérique, quand la technologie vient au service de l’orientation

Même avec une signalétique de qualité, bien visible, lisible et compréhensible par tous, il est difficile de prévoir tous les itinéraires et tous les besoins d’orientation. C’est là où une application de guidage inclusive, qui oriente les visiteurs à l’intérieur des bâtiments à la manière d’un GPS prend tout son sens. « Inclusive » signifie qu’elle s’adapte aux contraintes de mobilité de chaque personne : itinéraire sans marches ni pentes raides pour les utilisateurs de fauteuil roulant, instructions vocales pour les personnes aveugles ou malvoyantes, adaptation des indications « droite » et « gauche » pour les personnes ayant des troubles sévères de l’orientation, etc. Récemment déployée à l’hôpital de Meaux de l’Est Francilien, l’application Evelity coche toutes ces cases et permet donc à toute personne de s’orienter dans les locaux de manière autonome.

Escaliers et ascenseurs : sécuriser les changements d’étage

Dans les hôpitaux, les ascenseurs sont incontournables. Encore faut-il qu’ils soient vraiment accessibles à tous, à savoir aussi aux personnes aveugles ou malvoyantes ! Pour cela, ils doivent comporter :

  • Des boutons de commande bien délimités avec des inscriptions en braille et en relief, visuellement contrastées,
  • Une surélévation pour distinguer rapidement le bouton du rez-de-chaussée,
  • Une organisation logique en une ou deux colonnes pour faciliter la localisation des boutons,
  • L’annonce vocale de l’étage dans la cabine au moment de l’arrivée,
  • L’annonce vocale du sens de déplacement (montée ou descente),
  • Un éclairage homogène et non éblouissant,
  • La confirmation sonore de l’appui sur un bouton,
  • Un signal sonore à l’extérieur de la cabine, différent selon si l’ascenseur monte ou descend,
  • Une information tactile et visuellement contrastée près des boutons d’appel à chaque étage.

Attention aux ascenseurs tout-tactiles sans repères physiques ! Sans assistance, ils sont inutilisables, même avec du braille ! La norme NF EN 81-70:2003 précise les exigences que doivent respecter les ascenseurs.

Quant aux escaliers, ils doivent dans tous les cas être utilisables par le plus grand nombre possible de personnes, même si des ascenseurs sont présents. Pour un maximum de sécurité, les escaliers doivent comporter :

  • Une main courante rigide et préhensible de chaque côté,
  • Une bande d’éveil de vigilance en haut de chaque volée de marches,
  • Des nez de marches visuellement contrastés et antidérapants,
  • Un contraste visuel sur la première et la dernière contremarches de chaque volée.

Il est recommandé de prévoir des mains courantes à deux hauteurs différentes pour permettre aussi aux enfants et aux personnes de petite taille de maintenir leur équilibre dans l’escalier.

L’adaptation des documents

Comme je le disais plus haut, à l’hôpital, le volet administratif prend beaucoup de place. Et qui dit administration dit beaucoup de documents. Vous le savez aussi bien que moi, quand on ne voit pas ou très mal, les documents papier sont un cauchemar. Bien sûr, il y a les documents remis lors de l’admission ou de la sortie, mais aussi les dossiers à remplir avant une intervention chirurgicale, le questionnaire d’anesthésie, les documents d’information sur les risques opératoires, les consignes à respecter, les rendez-vous de consultation, les ordonnances pour des médicaments ou des examens, bref, des liasses de papier avec lesquels on se trouve vite bien embarrassés quand on est incapable de les différencier. Heureusement, l’intelligence artificielle et les applications mobiles de reconnaissance de texte comme Seeing AI ou BeMyEyes, nous simplifient aujourd’hui bien la vie. Encore faut-il avoir un smartphone et savoir l’utiliser. Par ailleurs, ces technologies, aussi performantes soient-elles, ne permettent pas encore de remplir les dossiers.

Tous les documents d’information pourraient être transmis en format numérique (Word, HTML ou PDF accessible). Je n’ai encore jamais rencontré dans les hôpitaux d’alternatives numériques pour remplir tous ces documents. Dîtes-moi en commentaire si vous en connaissez. En attendant, l’aide humaine est indispensable et si cette aide peut être fournie par le personnel, c’est encore mieux, car nous n’avons pas tous des personnes voyantes à disposition pour accomplir ce genre de tâches. Et rappelons-le, la lourdeur administrative peut amener certaines personnes à reporter, voire renoncer à des soins pourtant nécessaires.

Vous souhaitez vous impliquer dans l’accessibilité d’un hôpital ?

Votre regard est précieux. En tant qu’usager, vous êtes légitime pour faire entendre votre voix. Vous pouvez :

  • Contacter le référent accessibilité de l’hôpital (souvent rattaché à la direction qualité ou aux services techniques)
  • Vous rapprocher de la Commission des Usagers (CDU), chargée de recueillir les doléances des patients
  • Rejoindre un groupe de patients partenaires, s’il en existe un, pour participer à l’amélioration des services
  • Mobiliser votre association locale pour faire des demandes collectives
  • Solliciter la commission communale ou intercommunale pour l’accessibilité dans votre ville ou votre intercommunalité

Faites part de votre vécu, proposez des solutions concrètes, et surtout, montrez que ce sont des ajustements simples qui peuvent rendre les soins plus justes et plus accessibles à tous.

En conclusion, rendre un hôpital accessible aux personnes aveugles ou malvoyantes, ce n’est pas une utopie ni un luxe. C’est une question de dignité, d’égalité et de bon sens. Des solutions existent, parfois très simples à mettre en œuvre, pour améliorer concrètement le quotidien des patients, visiteurs et professionnels déficients visuels. Encore faut-il qu’elles soient connues, comprises et intégrées dans les projets de chaque établissement.

Si vous êtes concerné, usager ou proche aidant, vous avez toute votre place pour faire entendre votre voix. Et si vous travaillez dans un hôpital, vous pouvez être un formidable relais pour faire progresser l’accessibilité.

En savoir plus…

Pour plus de détails sur les exigences réglementaires relatives aux établissements recevant du public, je vous invite à consulter les articles suivants :

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