Vous avez rendez-vous quelque part. Vous vous êtes organisé pour arriver à l’heure. Vous avez tous les documents nécessaires. Mais au moment fatidique où vous pensez être arrivé à proximité de votre destination, personne, pas un passant pour vous aider à trouver l’entrée du bâtiment.
En matière d’accessibilité, permettre à une personne aveugle ou malvoyante de repérer l’entrée d’un établissement public est aussi important que de supprimer les marches pour une personne en fauteuil roulant. Et c’est là qu’intervient la balise sonore activable à distance. Malgré sa simplicité de fonctionnement et son efficacité prouvée depuis de nombreuses années, cette technologie reste étonnamment absente dans la plupart de nos villes. Je souhaite à travers cet article partager avec vous les meilleures stratégies pour obtenir des balises sonores près de chez vous, ainsi que des exemples de réussites dont vous pourrez vous inspirer.
Quels sont les arguments en faveur de la balise sonore ?
Avant de rentrer dans le vif de sujet, je tiens à apporter une précision. Quand je parle de « balise sonore », je parle bien du petit boitier installé au-dessus d’une porte d’entrée, d’un guichet ou autre point d’intérêt, qui diffuse un message vocal permettant d’identifier le lieu et de fournir des informations clés. Ces balises sonores se trouvent dans les bâtiments ou stations de transport en commun. Je ne parle pas ici des répétiteurs de feux sonores qu’on ne trouve que sur les traversées piétonnes. Si vous recherchez des informations sur la manière d’en obtenir, je vous renvoie à mon article : Comment avoir des feux sonores dans ma ville ?
Revenons maintenant aux balises sonores. La balise sonore activable sur demande grâce à la télécommande radio normalisée est incontestablement la solution la plus efficace pour qu’une personne aveugle ou très malvoyante puisse localiser et identifier un point précis. La SNCF a validé dès 2006 l’intérêt de ce dispositif dans le cadre du projet de gare laboratoire de l’accessibilité à Paris Montparnasse. Ce projet consistait en l’implémentation de divers aménagements-test, tels que des cheminements podotactiles, balises sonores, escaliers et ascenseurs adaptés, alarmes visuelles, boucles magnétiques, et une signalétique améliorée, visant à faciliter l’accès et le confort des personnes avec un handicap. La SNCF déploie depuis des balises sonores dans toutes les gares nationales.
La CFPSAA (Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes), qui rassemble au niveau national les principales associations de personnes déficientes visuelles, a toujours largement plébiscité la solution, notamment dans son recueil des besoins des personnes déficientes visuelles pour l’accès à la voirie et au cadre bâti publié en juillet 2010.
Une étude menée en 2014 par l’Institut de la Vision pour Okeenea sur un panel représentatif des personnes déficientes visuelles a démontré que 100% des participants étaient capables de repérer l’entrée d’un magasin équipée d’une balise sonore, contre seulement 20% en l’absence de balise. Les participants ont unanimement souligné la facilité d’utilisation, le gain de temps et la diminution du stress.
Du côté de la réglementation accessibilité, les textes officiels ne mentionnent pas spécifiquement les balises sonores comme solution obligatoire. Toutefois, ils stipulent clairement que les informations diffusées dans l’espace public doivent être accessibles à tous, quelles que soient les capacités sensorielles des usagers.
L’article 41 de la loi « handicap » du 11 février 2005 stipulait : « Les établissements existants recevant du public doivent être tels que toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les parties ouvertes au public. L’information destinée au public doit être diffusée par des moyens adaptés aux différents handicaps. »
L’arrêté du 8 décembre 2014, qui détaille les exigences réglementaires pour qu’un établissement recevant du public soit accessible aux personnes ayant un handicap, contient un article concernant les entrées principales : l’article 4. Celui-ci précise que : « Les entrées principales du bâtiment sont facilement repérables et détectables par des éléments architecturaux ou par un traitement utilisant des matériaux différents ou visuellement contrastés. » Cette phrase est malheureusement ambiguë, et surtout, elle ne tient pas compte des besoins des personnes qui n’ont pas de vision fonctionnelle. Ce qu’il faut retenir, ce sont donc les termes « repérable et détectable ». Et quoi de mieux qu’une balise sonore pour répondre à ces objectifs en complément d’une signalétique bien visible et visuellement contrastée ?
Quelles sont les villes qui ont déjà franchi le pas ?
Malgré l’absence d’obligation, de nombreuses villes ont bien compris l’immense apport des balises sonores pour l’autonomie de leurs citoyens déficients visuels. Dans la quasi-totalité des cas, les élus et techniciens ont été sensibilisés par les associations locales, qui ont dû parfois faire preuve de beaucoup d’insistance.
La quantité de balises sonores installées varie selon les villes. Parmi les bâtiments municipaux équipés, on trouve généralement les mairies et autres services comme le CCAS ou la police municipale, les établissements culturels comme les bibliothèques, théâtres ou autres salles de spectacle, les établissements sportifs comme les piscines et les gymnases, et parfois les établissements scolaires.
Dans ce domaine, la palme revient certainement à la ville de Nanterre, qui, dès 2011, a équipé l’ensemble de ses établissements recevant du public de balises sonores, une centaine au total.
La ville de Reims est aussi bien placée avec 42 bâtiments municipaux équipés de balises sonores.
A Brest, on en compte une vingtaine, dont la mairie et le réseau des bibliothèques.
Dans la ville de Lyon, toutes les mairies d’arrondissement sont désormais équipées de cette signalétique sonore et le déploiement continue, notamment sur les établissements culturels. Dans les villes limitrophes : Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron, Vénissieux, Oullins, Saint-Genis-Laval, Tassin…, principaux bâtiments répondent aussi à l’appel de la télécommande.
Au niveau de la Métropole de Lyon, on trouve des balises sonores aux abords et à l’entrée du siège administratif, aux entrées des Maisons de la Métropole qui servent de guichets locaux pour les démarches MDPH et aux entrées de certains collèges. Ces balises s’ajoutent à celles des stations de métro.
D’autres villes plus petites adoptent cette même démarche. Je peux citer Annecy avec l’équipement de ses six mairies déléguées, mais aussi Aix-les-Bains avec la mairie, la police municipale, la bibliothèque et la piscine. Si vous en connaissez d’autres, n’hésitez pas à les citer dans les commentaires.
Comment répondre aux objections contre la balise sonore ?
Pour tout vous dire, il s’en est fallu de peu pour que la balise sonore soit explicitement mentionnée dans la réglementation accessibilité concernant les établissements recevant du public. Au moment de la refonte de celle-ci, qui a donné lieu à l’arrêté du 8 décembre 2014, les associations de personnes déficientes visuelles faisaient déjà lourdement pression pour que ce soit le cas. Mais la proposition a été refusée. Nous allons voir quelles étaient les objections et comment vous pouvez y répondre si vous les rencontrez encore aujourd’hui.
Les balises sonores créent une pollution de l’environnement acoustique.
Le fait que les balises sonores soient uniquement activables à la demande par les possesseurs d’une télécommande normalisée minimise la pollution sonore. Elles peuvent aussi être branchées sur un circuit électrique coupé pendant les heures de fermeture de l’établissement.
Tous les bâtiments ne peuvent pas être équipés de balises sonores.
Si toutes les portes donnant sur la voirie étaient signalées par une balise sonore activable par télécommande, il en résulterait en effet une grande cacophonie. Or, la liste des établissements souhaités remise par les représentants associatifs au groupe de concertation pour l’ajustement normatif avant 2014 était très étoffée : services publics, pharmacies, centres de soins, banques, postes, laboratoires d’analyses médicales, centres de radiologie, hôpitaux, gares, médiathèques, salles de spectacles, complexes sportifs, piscines, super et hypermarchés, offices notariaux, cabinets d’avocat, centres commerciaux, ainsi que tous les établissements supérieurs à 300 m² non cités.
En réalité, et on le voit bien avec l’expérience des villes citées plus haut, la liste peut être revue et priorisée, en commençant par les ERP les plus critiques pour l’autonomie des personnes déficientes visuelles.
Il existe d’autres technologies que la balise sonore sur le marché permettant de rendre le même service.
Certes, on entend parler chaque semaine d’une nouvelle startup offrant une solution pour guider, orienter ou même redonner la vue aux personnes aveugles. Mais la réalité, c’est que les solutions qui ont fait leurs preuves et s’adressent à un large public ne sont pas légion. La balise sonore en fait partie. Comme je l’ai expliqué plus haut, son efficacité a été validée par plusieurs études et les usagers déficients visuels la réclament. La balise sonore permet non seulement d’orienter un usager vers sa destination tel un phare sonore mais fournit aussi une information utile et précise. C’est une solution directement accessible sans nécessité d’acquérir un matériel supplémentaire puisque la télécommande des feux sonores est déjà largement répandue.
Une balise sonore, c’est trop cher.
Le coût moyen de l’installation d’une balise sonore est de 1000€. Ce coût inclut le produit et l’intervention d’un électricien. Bien que ce coût ne soit pas négligeable, il s’agit d’un investissement à long terme pour l’accessibilité. Il est relativement faible par rapport au coût d’autres équipements. Par ailleurs, il est possible de faire des économies d’échelle dans le cas d’un déploiement de grande ampleur. Des aides financières peuvent être mobilisées, par exemple via le fonds territorial d’accessibilité.
En résumé, les balises sonores offrent une solution clé pour l’accessibilité des établissements publics aux personnes aveugles ou malvoyantes. Elles ne sont pas seulement une aide au repérage et à l’orientation, mais un véritable symbole de l’engagement des municipalités à offrir un accès aux services publics équitable pour tous. Nous avons vu comment des villes comme Nanterre, Reims, Brest, Lyon et bien d’autres ont déjà franchi le pas, prouvant que l’intégration de ces dispositifs est non seulement possible, mais aussi extrêmement bénéfique.
Maintenant, c’est à vous d’agir. Sensibilisation des élus et du grand public, mobilisation collective avec les associations locales, priorisation des installations, dialogue constructif avec les autorités, recherche de financements via des subventions publiques ou des partenariats privés…, vous avez de nombreux moyens à votre disposition pour faire avancer les choses. Si vous avez déjà entrepris des démarches similaires, n’hésitez pas à partager vos expériences dans les commentaires.
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