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Comment lutter contre les potelets anti-stationnement ?

A l’évocation des potelets anti-stationnement, qui n’a pas en tête le souvenir d’une vive douleur au genou, à la hanche ou au niveau de ses parties les plus intimes ? Vous serez certainement d’accord avec moi, voilà un type de mobilier urbain dont on se passerait bien tant il est source de stress lors de nos déplacements à pied, pour nous qui avons un handicap visuel. Et contrairement à certaines idées reçues, les potelets ne sont absolument pas obligatoires et encore moins un atout pour l’accessibilité.

Que dit la réglementation ? Quels sont les arguments en faveur ou en défaveur des potelets ? Quelles sont les alternatives à la dispositions des collectivités pour empêcher le stationnement sur les trottoirs ? Je vous propose de passer en revue tous ces aspects pour que vous puissiez à votre tour lutter contre la prolifération de ces obstacles indésirables dans votre ville.

Les potelets anti-stationnement sont-ils obligatoires ?

Les bornes, plots ou potelets anti-stationnement ont pour fonction d’empêcher les véhicules de se garer sur les espaces réservés aux piétons. On en trouve généralement :

  • au niveau des abaissements de trottoirs devant les passages piétons,
  • au milieu des trottoirs de part et d’autre des entrées de garages, de cours ou de parkings,
  • le long de certains trottoirs ou
  • en séparation entre un cheminement piéton et une piste cyclable par exemple.

Ce mobilier urbain sert à limiter le stationnement illégal et la gêne occasionnée aux piétons mais il n’est absolument pas obligatoire. Les collectivités locales ne devraient avoir recours aux potelets que pour régler un problème existant et après avoir étudié d’autres solutions qui ne génèrent pas de nouveaux obstacles.

La réglementation accessibilité impose cependant que tout le mobilier urbain implanté sur les cheminements piétons, en particulier les bornes et poteaux, soit détectable par les personnes aveugles ou malvoyantes. Ceci implique que les potelets répondent aux caractéristiques suivantes :

  • être contrasté visuellement et
  • avoir une hauteur suffisante pour être détecté à l’aide d’une canne de locomotion.

Tout le mobilier urbain est concerné sans exception. Certaines collectivités ont considéré à tort que ces règles ne concernaient que le mobilier urbain directement implanté au milieu du cheminement piéton, à savoir devant les traversées piétonnes et les portes cochères. En réalité, même s’il est compréhensible que ces emplacements soient priorisés dans le cadre de la mise aux normes du mobilier urbain, il n’existe aucune restriction. Vous savez comme moi que, quand on ne voit pas, ou très mal, on ne suit pas toujours un cheminement très droit. Il n’est donc pas rare de se cogner à des potelets situés le long d’un trottoir, même très large.

Pour plus de détails sur la taille minimale des potelets anti-stationnement, je vous invite à lire cet article :

Quelles dimensions pour des obstacles bien détectables sur voirie ?

Et pour les références réglementaires, c’est ici :

Quels sont les arguments en faveur des potelets anti-stationnement ?

Eh oui, j’ai le regret de vous dire qu’il y a des arguments en faveur de ce mobilier urbain. Ce ne sont pas les miens. Mais par souci d’honnêteté intellectuelle, je me dois de vous en faire part.

Le premier argument est directement lié à leur fonction : les potelets empêchent le stationnement gênant. De nombreuses associations de piétons ou de personnes en situation de handicap moteur défendent l’implantation de potelets pour la bonne raison que les personnes qu’elles représentent préfèrent la présence de ce mobilier urbain plutôt que l’obligation de devoir quitter le trottoir pour contourner un véhicule stationné en plein milieu.

Les potelets sont par ailleurs utilisés par les personnes âgées ou les personnes ayant des problèmes d’équilibre pour s’appuyer en attendant de pouvoir traverser la rue en sécurité.

Ces arguments sont évidemment recevables. Mais pour chacune de ces fonctions : éviter le stationnement sauvage, s’appuyer ou maintenir son équilibre, il existe des solutions alternatives mieux intégrées, moins coûteuses et surtout plus fonctionnelles.

Enfin, certaines personnes affirment que les potelets contrastés visuellement servent de repères aux personnes malvoyantes. Or, face à ce dernier argument, je m’inscris en faux. Le contraste visuel imposé sur les potelets a pour seul objectif de rendre ces obstacles plus visibles afin d’éviter les chocs. D’autres éléments comme le marquage blanc des passages piétons ou les bandes d’éveil de vigilance sont beaucoup plus efficaces pour faciliter le repérage des traversées de rues.

Quels sont les arguments contre ?

Là, ils sont nombreux. Le premier reproche qu’on peut faire contre les potelets, c’est qu’ils représentent des obstacles particulièrement blessants. Pour les personnes ayant une déficience visuelle bien sûr, mais aussi pour toutes celles dont le regard est accaparé ailleurs, les yeux rivés sur leur téléphone, sur un plan, ou à la recherche d’une signalétique sur les bâtiments, ou encore en cas de foule compacte qui masque le mobilier urbain. Ces obstacles sont d’autant plus dangereux quand ils sont implantés en grande nombre ou, au contraire, de manière complètement isolée.

Je vous donne un aperçu du stress ressenti en présence de potelets dans l’épisode 6 de mon podcast « Série noire pour une canne blanche » : Les envahisseurs des trottoirs.

Les potelets anti-stationnement sont majoritairement constitués de matériaux très durs comme la fonte. Ils peuvent donc causer de gros dégâts lors d’un choc. Ce n’est pas si grave lorsqu’il s’agit d’un hématome sur le genou, ça l’est beaucoup plus quand un cycliste ou un conducteur de deux-roues se retrouve le crâne fendu. Et comme les potelets sont souvent situés en bordure de trottoir le long des cheminements cyclables, c’est d’autant plus dangereux.

Par ailleurs, les potelets sont difficiles à intégrer dans le paysage urbain, en particulier dans les environnements classés au patrimoine, notamment quand ils sont de formes et de couleurs différentes. Les potelets sont avant tout des éléments techniques et ils n’ont aucun intérêt esthétique.

Les potelets anti-stationnement engendrent aussi des coûts très importants en équipement et en maintenance. En effet, ils sont régulièrement endommagés ou arrachés lors des manœuvres des gros véhicules. Alors, il faut non seulement remplacer le potelet par un neuf mais aussi reprendre la voirie autour pour le sceller au sol.

Enfin, le fait de systématiser l’installation de potelets partout pour contrôler le stationnement illégal renvoie un message implicite aux conducteurs : là où il n’y a pas de potelets, ils considèrent qu’ils ont le droit de se garer.

Vous trouverez encore d’autres arguments, dont certains pourraient bien vous faire sourire, en commentaire de ma publication sur la page Facebook associée à ce blog.

Pour toutes ces raisons, les potelets anti-stationnement ont tout intérêt à être remplacés par d’autres solutions moins gênantes pour les piétons et mieux intégrées à l’environnement urbain.

Quelles solutions de remplacement pour les potelets anti-stationnement ?

L’implantation de potelets ou autres mobiliers anti-stationnement est devenu un réflexe beaucoup trop systématique pour lutter contre l’intrusion des véhicules sur les espaces réservés aux piétons. Nous allons voir qu’il existe bien d’autres solutions pour préserver ces espaces sans y ajouter de nouveaux obstacles. En effet, vous l’avez certainement remarqué, ce type de mobilier, qui s’adresse aux conducteurs, est situé sur l’espace piétonnier, jamais l’inverse.

Réfléchir à la problématique du stationnement

Tout d’abord, lors d’un nouveau projet d’aménagement, les concepteurs doivent prendre en compte la problématique du stationnement. Si les espaces de stationnement sont correctement dimensionnés par rapport à la population et aux usages du quartier (commerces, bureaux, etc.), le risque de stationnement sauvage reste limité.

Laisser vivre l’aménagement

Ensuite, inutile de prévoir des potelets dès la mise en service d’un nouvel aménagement, sans savoir comment il va vivre dans le temps. Rien ne garantit que les trottoirs seront envahis par les véhicules, alors autant ne pas les envahir de potelets.

Dans tous les cas, la largeur du cheminement réservé aux piétons doit être au minimum de 1,40m. C’est ce qui est inscrit dans la réglementation, afin de permettre à deux piétons de se croiser facilement. Mais les spécialistes de l’aménagement urbain considèrent que la largeur de confort est de 2,50m. Cette largeur permet aux piétons de circuler en groupe et de s’arrêter pour une discussion ou du lèche-vitrine.

Créer un référentiel

Les collectivités ont tout intérêt à créer des référentiels des espaces publics et du mobilier urbain. Ceci permet d’améliorer l’organisation et la lisibilité des espaces, mais aussi d’harmoniser le mobilier urbain. Non seulement c’est plus esthétique et fonctionnel, mais pour les collectivités, c’est aussi une manière d’optimiser les coûts et les délais d’approvisionnement.

Ménager un couloir sans obstacle

Lors des nouveaux aménagements, il est aussi essentiel de penser au regroupement du mobilier urbain sur une bande de trottoir côté chaussée, de manière à ménager un espace de circulation libre de tout obstacle côté façades. Fini le slalom sur les trottoirs ! Sur cet espace, parfois appelé « bande technique », on peut regrouper l’éclairage public, les bancs, les poubelles, les terrasses de cafés et même les jardinières décoratives. Tout ce mobilier fera barrière aux véhicules sans empêcher les mouvements des piétons.

Utiliser les plantations

La végétalisation est aussi un enjeu fort pour les collectivités, afin de supprimer les îlots de chaleur qui deviennent insupportables en période de canicule. Or, il est possible de prévoir des plantations entre le trottoir et la chaussée pour empêcher le stationnement sauvage des véhicules. Les végétaux plantés devront alors être suffisamment hauts pour être dissuasifs à l’égard des conducteurs, mais pas trop pour ne pas masquer les piétons lors des traversées de chaussée et ne pas accentuer l’effet de séparation des flux qui pourrait inciter à la vitesse.

Verbaliser en utilisant les dernières technologies

Enfin, la verbalisation est un excellent moyen de lutter contre le stationnement illégal, à condition qu’elle soit la plus systématique possible. Pour cela, les technologies comme la vidéosurveillance et les voitures-radars permettent d’intervenir efficacement. Pour rappel, le stationnement sur un trottoir est considéré par le code de la route comme un « stationnement très gênant », est puni d’une amende de 135€ et peut donner lieu à la mise en fourrière du véhicule.

Et quand le mobilier anti-stationnement ne peut être évité…

Il existe bien sûr des situations où le stationnement illégal récurrent pose vraiment problème et oblige les piétons à se mettre en danger en descendant sur la chaussée. Ceci est fréquent dans les aménagements anciens, où les espaces de stationnement sont insuffisants par rapport au nombre de véhicules d’aujourd’hui. Dans ce cas, il est normal que les collectivités aient recours à du mobilier anti-stationnement. Alors voici quelques précautions à prendre pour le choix de ce mobilier.

Selon la réglementation concernant l’accessibilité de la voirie et des espaces publics, le mobilier urbain doit être contrasté visuellement et avoir des dimensions suffisantes pour être repéré et détecté par les personnes aveugles ou malvoyantes. Mais cette réglementation laisse du choix en termes de formes, de couleurs, de contrastes et d’implantation.

La première précaution est de choisir du mobilier urbain le moins blessant possible. Pour cela, mieux vaut privilégier des formes arrondies plutôt que des arrêtes saillantes, des matériaux évidés plutôt que de la fonte pleine, et pourquoi pas des potelets sur ressort ou à mémoire de forme.

Ensuite, la pose de potelets ne doit pas réduire la largeur du trottoir à moins de 1,40m, et même plutôt 1,80m. Au niveau des passages piétons, les potelets doivent être positionnés de part et d’autre de l’abaissement de trottoir et non en plein milieu. La largeur entre deux potelets doit être au minimum de 1,40m au niveau des passages piétons et de 2,50m le long des trottoirs. De part et d’autre des entrées de garages ou de parkings, la pose de potelets est à proscrire, sauf si le trottoir est vraiment large. Dans ce dernier cas, un seul potelet au centre du trottoir devrait suffire. Enfin, sur les îlots au milieu des traversées piétonnes, les potelets sont inutiles.

Quand le mobilier anti-stationnement est indispensable, il est également intéressant de réfléchir à des équipements ayant une autre fonction, par exemple des sièges ou appuis pour les personnes qui ont besoin de se reposer ou maintenir leur équilibre, des poubelles ou des jardinières.

Pour rédiger cet article, je me suis largement inspirée de la fiche publiée par le CEREMA intitulée La protection des cheminements – Le cas particulier des potelets anti-stationnement ou de fermeture d’accès. On y trouve de nombreux conseils à l’attention des collectivités publiques et des aménageurs. Je vous invite à la télécharger et la diffuser auprès des personnes concernées pour que, petit à petit, nos villes ne soient plus hérissées de ces obstacles indésirables. Et n’hésitez pas à nous raconter en commentaire comment la problématique du stationnement gênant est traitée là où vous habitez.

One Comment

  1. Ducourtioux Ducourtioux

    Bonjour,

    Après avoir lu vôtre article, que j’ai vraiment trouvé très intéressant, je voulais savoir (parce que vous n’en faites pas mention), si j’ai le droit de masquer un potelet avec une pancarte publicitaire ?
    Puis-je demander une autorisation spéciale à la mairie, afin de mettre cette pancarte publicitaire, les jours d’ouvertures de mon magasin ?
    Cette pancarte s’emmanche totalement sur ce potelet, ce qui le rend totalement invisible.

    Je vous remercie pour vôtre retour.

    Cordialement,

    Lilian

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